J’avais décidé de poser un cadre.
En effet, un magnifique original de Loïc Mousson était parvenu en ma possession par le biais du site D-baras.com, magnifique site (dont je suis un peu actionnaire), où les gens offrent de vous payer pour récupérer les choses dont ils ne veulent plus et qu’ils n’ont plus le droit de jeter.
Beaucoup ont hurlé contre la fameuse Loi Hulot, interdisant de jeter tout ce qui n’est pas du déchet de consommation ou contre amende ; je ne suis pas de ces gens là.
Outre que c’est écologique, ce dont je me fous bien, cette loi permet de trouver des merveilles et d’être payé en plus pour les récupérer. Pour quelqu’un disposant comme moi d’un grand espace, c’est parfait. Je gagne des sous, et en plus, je récupère de bien jolies choses au passage.

Hop là, ça, il a fallut me payer cher pour que je le prenne…
Quand le Louvre a bazardé sa collection, j’ai pu ainsi mettre la main sur « le radeau de la Méduse », cinq mètre soixante sur trois de haut, tableau qui trône désormais dans mes toilettes.
Vu la taille de la chose, ça leur aurait coûté cher de liquider ça.
Ho, bien entendu, ils auraient pu couler ça au fond de la seine, mais vous imaginez le scandale si ça s’était su, comme pour le Moma et sa collection…
C’est vrai que, depuis la mode de l’œuvre d’art monumentale, les musées ont de moins de moins de place pour ces œuvres mineures des temps passés. Mais moi, ça me touche, je suis un sentimental, que voulez vous.
Bref, j’ai fait l’acquisition de cette chose plus modeste que l’œuvre de Géricault. Une aquarelle du fameux « petit maître d’Orléans » aussi appelé « le grand maigre d’Orléans » représentant un chat combattant avec un katana une armée de samouraï, avec quelques filles toutes nues derrière.
On se rend bien compte à la vue de cette peinture que l’artiste souffrait d’un violent défaut oculaire, particularisme qui lui valu son succès, faisant de lui le chef de file de « l’école daltonique » (ou daltoniste, je sais jamais), école qui a influencée bon nombre de coloristes de bande dessinée de ces années là.
Bref, c’est historiquement passionnant, même si c’est discutable esthétiquement.
Moi, ça me plait.
Je décidais donc de le mettre à côté du Titien du salon, pour faire contraste.

Pas mal, hein ? Faut avoir les moyens, mais avouez quer ça pète.
Or, il n’y avait pas de clou à cet emplacement.
Je n’apprendrais rien à personne en évoquant le délicat problème du plantage d’un clou.
Autrefois, n’importe qui pouvait planter un clou pour accrocher un cadre. On n’avait pas à passer par un architecte intérieur agréé ou par un ouvrier du bâtiment. Pas besoin de devis et d’autorisation municipale après consultation de l’assemblée des copropriétaires.
La chambre des archis d’intérieurs a -heureusement ou pas, je ne juge pas- obtenu du gouvernement européens une loi interdisant l’autoplantage, jugé par eux trop dangereux, du fait des nombreux doigts écrasés lors de l’exercice de cet activité par les non-professionnels de la chose.

Petite sotte, qu’à tu fais ? Te voilà bien maligne maintenant…
Cette loi faisait suite à toute une série de loi interdisant l’auto-médication, la production et la consommation de médecine naturelle ou de fruits et légumes des potagers de particuliers, mouvement qui visait essentiellement à la sécurité des consommateurs, comme de bien entendu.
Bien sûr, la loi prévoit des exceptions et notamment l’obtention du permis de plantage de clou et poseur de cadre que tout particulier est autorisé à passer dans un cabinet d’architecte intérieur (à condition toutefois que celui-ci ait un diplôme homologué et appartiennent à la chambre des architectes intérieures).
Chance pour moi, je suis titulaire d’un tel permis.

On notera qu’en revanche l’utilisation des scies circulaires ne nécessite pas de formation
Je l’ai passé en plantage accompagné, lorsqu’il était encore permis à un adulte titularisé d’enseigner à ses enfants. Mon père était à l’ancienne, j’étais son aîné, et j’ai eu le droit, pour un prix dérisoire à l’époque (c’était avant le passage à l’euryen) de passer mon permis. Je l’ai eu du premier coup.
Mon petit frère n’a pas eu la même chance, puisque, quelques années plus tard, cette souplesse fut retirée sous la pression des ouvriers du bâtiment, au nom de la protection de l’enfance.
A lors actuel, mon frère est donc toujours incapable de planter un clou.
Je peux donc faire ce que bon me semble dans ma demeure ancestrale du Perche, région recherchée pour sa qualité d’ennui et qui a fait la fortune de ma famille, puisque mon ancêtre y a développé la première usine « d’ennui en pot », produit que nous exportons encore et dont le succès nous a permis de racheter à peu près l’essentiel de la Région, à l’exception de la Chapelle Montligeon et de la Ferté Vidame, modestes concurrents que la loi anti-trust nous empêche de racheter, mais avec qui nous avons des accords qui garantissent leur survie tout en empêchant leur croissance.
Faut pas déconner non plus.
Inutile de rappeler que nous avons su diversifier nos produits de façon à proposer une véritable pluralité, et que la concurrence n’a rien à nous apprendre. Qui a lancé « l’ennui en boîte » ? Qui a lancé « l’enmerde en tube » ? Qui est à l’origine des goûts « chasse », « pêche », « nature » et « tradition » ?
Preuve est faite que la fortune familiale est parfaitement légitime et qu’elle ne doit rien aux amitiés que la famille Leroy a su nouer au fil des ans avec des gens proches du pouvoir et des médias.

Vous aimez trop la vie ? Le Perche est là pour vous redonner le sens des réalités.
Je suis donc maître chez moi, et si je veux planter un clou, je peux.
L’argent n’est pas un problème, vous pensez bien.
Quand je veux, je peux m’offrir les services des meilleures agences de Paris pour planter ce clou. Mais, parfois, il faut faire les choses soi-même. Du moins, c’est ainsi que je conçois les choses et j’entends bien transmettre ce principe à l’enfant, blanc et hétérosexuel, que j’adopterais un jour.
Bien sûr, il sera plus difficile pour lui d’obtenir son permis de planter un clou, mais l’argent arrange bien des choses et, avec du temps, de l’obstination et des relations, il saura planter un clou.
Contrairement à mon paresseux de petit frère (peut-être l’ai-je déjà mentionné ?).
Mais revenons à nos moutons : planter un clou n’est pas si simple qu’il n’y paraît, contrairement à ce que soutiennent les mouvements dérégulateurs.
Il faut choisir le clou, droit, dans une matière noble, il faut trouver l’emplacement, savoir centrer, vérifier l’équilibre des cadres au mur, s’assurer qu’une ligne haute tension ne passe pas dans le mur à l’endroit qu’on a choisit (ce genre de choses arrivait fréquemment au début du vingt-et-unieme siècle s’il faut en croire la chambre des architectes intérieurs).
Je ne suis pas un novice. J’ai planté bon nombre de clou dans ma vie et, si dieu veut, j’en planterais encore beaucoup. Ce droit, je n’y renoncerais pas facilement.
Bien sûr, pour planter un clou, il faut posséder un marteau.

il ne lui manque que le marteau…
Autrefois, le droit de planter un clou allait de fait avec celui de posséder un marteau, ce qui a permis bon nombre de dérives violentes. On se souvient de ces terroristes islamistes qui ont détourné un Boeing au marteau, occasionnant l’un des évènements les plus marquants de ce début de millénaire.
Bien entendu, il y aura toujours des gens pour crier à la manipulation, mais, dans le film événement « la faucille et le marteau volant », on revoit cette scène d’atrocité qui a secoué l’occident, faisant prendre conscience au monde que la menace communiste n’avait disparue que pour faire place à celle, beaucoup plus insidieuse, de l’islamisme voilé.
Pour ma part, je crois que ce film fait la part des choses, et je pense que ce n’est pas un hasard si Marx était barbu. Ce serait trop facile. Ramener le port de la barbe à une époque, c’est tout relativiser, or, je suis désolé, mais il me semble bien qu’à l’époque où vivait Marx, les musulmans étaient déjà barbus.
CQFD.

Ah ah ah, raté, salauds d’idéalistes !
Bref, qu’importe finalement, puisque nous avons gagné le Première Croisade Mondiale et que désormais, on peut consommer notre « Lassitude en bâton » à Bagdad sans que le moindre excité ait quoi que ce soit à redire à la femme dénudée et à ce quelle fait de notre bâton sur le packaging.
Je possède donc un marteau, et j’en suis fier.
Je possède aussi un fusil. Voilà un droit que tout le monde a obtenu, et qui fait indéniablement parti des droits fondamentaux de l’homme. Tout comme le droit chez soi de prendre la vie d’autrui.
Encore une fois, le Texas était en avance socialement sur son temps.
Mais je dois avouer que, en général, je me sers plus volontiers d’un marteau que d’un fusil. Le goût du privilège, sans doute.
J’ai donc amorcé la délicate manœuvre. J’avais le clou entre les doigts , un clou de chez Clounelius, fabriqué en Inde, sur un modèle d’un vieux maître japonais, vendu une fortune par paquet de un, sous blister, au BHV.

Attention, ceci est une oeuvre. Genre protégée et tout. Le créateur est © Le Faiseur / Anthony Gripon / il est membre de l’ADAGP qui doit être une sorte de mafia hyper puissante qui protège ceux qui font des clous.
Quand tout d’un coup, voilà t’y pas qu’une manifestation spontanée apparaît sous mes fenêtres percheronnes. Pénétrant sur ma propriété privée pour m’empêcher de percer mes murs dix-huitième, au nom de la préservation de je ne sais patrimoine de l’humanité.
J’ai planté des clous dans cette maison toute ma vie, c’est pas une bande de baba cools illuminés qui vont m’empêcher de le faire. J’ai du respect pour les demeures classés, je suis actionnaire de l’UNESCO, on ne va pas me faire la leçon là-dessus, mais chez moi, c’est chez moi.
On ne peut pas tolérer non plus que n’importe qui vienne vous imposer des lois faites pour tout le monde. Je ne suis pas tout le monde.
Ni n’importe qui, d’ailleurs.

La fille du père Noël n’est pas contente (petite carie sur la molaire 45)
Je vous passe les slogans débiles que cette bande d’étudiants et d’artistes sans œuvre avait cru bon de déployer sur des banderoles. Ce sont les mêmes à chaque manifestation, vu qu’ils n’ont pas droit de les jeter, ça n’a pas l’air de les déranger.
Agacé, je me suis demandé si j’allais devoir appeler les forces de l’ordre. Et puis, je me suis dit que je n’allais pas déranger la République pour si peu. Après tout, je suis dans mes murs.
J’ai donc lâché les chiens, de magnifiques molosses obtenus grâce à force croisements consanguins pour obtenir un raffinement de muscles et de dents, et ils ont percé et dispersé la foule, épargnant de-ci de là, une étudiante, sur des critères physiques que je leur ai inculqué.
Satisfait, je suis retourné à mon mur et j’ai planté mon cadre.
Loïc Mousson voisine désormais le Titien.
Et personne n’a rien à y redire.
Après tout, j’ai le permis.